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La Sexualité Tantrique, d’après Alan Watts

  • Photo du rédacteur: Sandrine
    Sandrine
  • 31 août 2023
  • 8 min de lecture

Dans mon cheminement ces dernières années sur la "Sexualité Consciente" (*), c'est finalement Alan Watts qui a les explications les plus proches de mon ressenti, vécu et présent. C'est pourquoi je traduis ici un de ses exposés, en y ajoutant quelques notes personnelles. Ce qui est remarquable d'après moi : c'est avant Osho et le néo-Tantra, enfin des références historiques (coïtus reservatus et karezza), une vision complémentaire Tantra Tao sans les opposer, une explication limpide sur l'orgasme transcendé - ni le "rester dans la cool zone" de tel stage, ni le "faire monter le feu jusqu'à l'orgasme énergétique" de tel auteur. Je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous faire découvrir Alan Watts. [Olivier]


««« La pratique sexuelle tantrique c'est permettre à quelque chose de se réaliser sans forcer le rapport sexuel de quelque manière que ce soit. Cela veut dire que cela aspire à être un type de relation qu'on peut qualifier de contemplative plutôt que d'active.

Si l'on regarde le tableau des statues tantriques, l'homme est assis en position de lotus, la femme est assise devant sa poitrine, les bras autour de son cou. Ils se touchent en tout point : la bouche, la poitrine, les organes sexuels, les yeux dans les yeux. Ils sont sans aucun mouvement, ils sont complètement immobiles. En d'autres mots, ils ne se préoccupent pas d’avoir un orgasme. Vous voyez, Freud avait l'idée que le plaisir sexuel est le produit de la tension, que nous ce à quoi nous travaillons c'est l'orgasme, en ayant comme but le relâchement de cette tension. Beaucoup de gens ne seraient pas du tout d'accord avec cette idée, et diraient que ce n'est que partiellement cela. A ce propos, il y a ici une "merveilleuse" opinion selon laquelle la tension doit être maintenue aussi longtemps que possible, bref…


En aucun cas n'essayez de suivre cela, laissez juste ce quelque chose se produire. C'est l'attitude de ces représentations du yoga sexuel, de laisser faire, d'être totalement immobiles, complètement ouverts et conscients. Si vous faîtes cela, vous allez constater qu'une chose surprenante arrive : vous allez devenir l'autre personne, vous aller faire l’expérience d’un organisme unique où les deux corps se fondent littéralement l'un dans l'autre. C'est comme si il y avait des courants électriques (ou quoi que ce soit) dans nos corps, qui d'habitude se combattent l'un l'autre ; mais dans ce cas du yoga sexuel, les deux courants deviennent un seul courant ; ils se mélangent, c'est la seule manière que je peux le décrire. La meilleure métaphore : les deux corps fusionnent.


Il y a différentes écoles de pensée à ce propos. Pour certaines, dans l'exercice tantrique il n'y pas d'orgasme (1) : c'est exactement ce qu'on appelle le coïtus reservatus, ou karezza pour utiliser le mot persan (2). L'énergie sexuelle est ainsi transmutée en énergie spirituelle. Quelque part vous voyez, on excite l'énergie sexuelle, mais au lieu de la dissiper vous l'envoyez le long de la colonne vertébrale jusqu'au cerveau. Vous connaissez probablement le symbole en yoga de la kundalini : à la base de la colonne vertébrale, il y a le ainsi-nommé "serpent de la kundalini", le serpent tout- puissant (3).


L'objectif du yoga c'est d'envoyer en bas votre énergie concentrée pour taper sur la tête du serpent et lui dire "réveille-toi mon gars ! remonte l'arbre et réveille-toi". Et il remonte lentement la colonne, en énergisant chaque chakra (ou centre nerveux d'échange téléphonique). A chaque fois qu'il en traverse un, boum ! un nouveau monde s'ouvre. Boum ! boum ! enfin, il arrive au lotus aux milles pétales dans la tête, tous les voyants sont au vert, on a la conscience de tout. Finalement, il monte jusqu'en haut de la tête, là où il y a la porte du soleil (4). La tête correspond au firmament du paradis, le soleil est la porte au firmament à travers laquelle vous voyez le monde transcendantal. Le serpent passe à travers cette porte. C'est pourquoi les yogis sont toujours dessiné avec au dessus de leur crâne une bosse ou une flamme, c'est pourquoi le dôme d'une église a une flèche ou une lanterne à son sommet. C'est la porte du soleil, la sortie.


Le serpent tout-puissant, c'est bien sûr une image phallique. Dans les dessins hindouistes, la kundalini est dans le chakra à la base de la colonne vertébrale, qu'on appelle muladhara chakra (5). Et bien c'est un triangle inversé ; bien sûr c'est l'organe sexuel féminin. A l'intérieur de ce triangle est dessiné un phallus masculin, le serpent est enroulé autour, endormi. Ce serpent enroulé autour du phallus au milieu du l'organe féminin, ça représente l'énergie de la vie, profondément et ultimement impliquée dans l'illusion, le plus que Brahma puisse obtenir de lui-même (6) ; absolument cela, dans cette femme, vous voyez ? "je n’ai même pas (pas encore, ou plus du tout) conscience de qui je suis", "maman ! " perçu dans l'utérus...

Bref, au fur et à mesure (pour le serpent de la kundalini) : "réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi..." Le symbolisme derrière cela, pour une école du tantra, c'est : l'énergie sexuelle c'est la kundalini, c'est le serpent tout-puissant, c’est la puissance divine. Si on la dissipe dans l'orgasme, on la perd. Si on la conserve, on en augmente la puissance, on amplifie l’extase pré-orgasmique (7). Mais pas d'orgasme : à la place, on dirige l'énergie sexuelle le long de la colonne vertébrale jusque dans la tête, et on atteint l'illumination. Beaucoup de tantrikas pratiquent de cette manière ; ils utilisent la fascination intense de l'excitation sexuelle pour être l'instrument, l'incitation à une concentration intense de l'un sur l'autre. Quand on regarde dans les yeux du partenaire, et que l’intérêt apporté dans les yeux de l'autre personne est couplé avec la fascination sexuelle, on a une énorme possibilité de concentration pour se regarder et se regarder et se regarder et se regarder... Maintenant, si on se concentre assez longtemps, on entre en transe ; si vous savez comment gérer la transe, vous passez de la transe au samadhi (8), et ainsi de suite.

C'est une façon de jouer le jeu, mais il y en a une autre. Celle-ci ne prend pas les expressions au sens littéral, ça ne dit pas que l'énergie sexuelle n'est pas quelque chose que l'on peut gaspiller. Ce n'est pas comme l'argent, on ne dissipe rien, on ne perd pas de sang, ou quelque chose d’approchant vous voyez. Les Chinois ont leur sorte de yoga sexuel. Dans leur manière, ils ne coupent pas l'orgasme, ils laissent l'orgasme arriver, sans le forcer, juste quand ça vient ou quand on le sent, on n'en fait pas un objectif, on ne force pas les évènements pour avoir cette expérience, on la laisse arriver à son propre moment. Ce qu'ils font, sans réellement savoir ce qu'ils sont en train de faire : la femme met ses doigts sur le scrotum de l'homme à un certain endroit où le sperme n'est pas éjecté mais retourne dans la vessie (9). Ces alchimistes taoïstes l'ont interprété comme envoyer (l’énergie) le long de la colonne vertébrale jusque dans la tête. En fait c'est une méthode de contrôle des naissances. Il n'y a pas d'écrits dans les documents hindouistes sur cette manière de faire, c'est l'équivalent chinois.


Le point dans tout ça, c'est qu'en prenant de l’expérience dans "ce lâcher-prise dans les rapports sexuels", un laisser-aller semblable à laisser mes yeux voir, à laisser mes poumons respirer, à laisser mon cœur battre,… et bien j'expérimente ce que les taoïstes appellent le "wuwei", le non-agir. Ou plutôt : j'expérimente que tous mes mécanismes involontaires (10) sont la même chose que moi. Je ressens aussi le monde extérieur comme étant indépendant de ma volonté, de l'involontaire : au lieu de dire "cela m'arrive à moi", "cela m'attaque", "c'est quelque chose d'étranger à moi", j'appréhende cet involontaire comme étant une partie de moi-même ; et donc à appréhender le monde extérieur comme étant moi-même aussi . Alors la partenaire féminine ou le partenaire masculin, et bien... c'est moi ! Tous ces évènements qui arrivent d'eux-mêmes sont en réalité bien plus "le vrai moi" que toutes ces choses que je dis que je fais.


De plus bien sûr, la pratique du yoga tantrique sexuel apporte une sorte d'accomplissement plutôt étonnant : c'est une merveille parfaite pour les femmes, ça ralentit les hommes... C'est une manière vraiment remarquable d'amener deux personnes à une extraordinaire sensation d'intimité partagée ; car comme je l'ai dit, la sensation de fusionner donne le ressenti très curieux de l'unité des deux organismes vus comme un seul nouvel organisme. »»»






NOTES :


(*) Sexualité Consciente c'est le terme générique que j'ai choisi pour englober un ensemble d'expressions qui désignent toutes "à peu près" la même chose : sexualité tantrique, slow sex, (faire) l'amour de manière divine, tao du sexe, sexualité connectée, sexualité authentique, ...


(1) Alan Watts fait un raccourci en affirmant qu’il n’y a pas d’orgasme dans la sexualité tantrique. Il faut comprendre qu’il n’y pas d’"orgasme de pic" (c) ; à la place un potentiel "orgasme de la vallée", ou mieux un état extatique ultime, voir "Samadhi" plus loin dans le texte, mais aussi "Mahamudra".

BONUS Sudheer sur la sexualité tantrique et l'orgasme de la vallée :

««« Faire l'amour consiste le plus souvent à faire vite monter l'excitation jusqu'à son point culminant, pour la dissiper dans l’ éjaculation . On l’appelle “orgasme du sommet”; il est suivi d’une chute, l’énergie est perdue. Dans le Tantra, on “reste avec le feu du début” et on “évite les cendres de la fin” . Les partenaires font monter un peu l'excitation, puis relaxent. Ils la font monter un peu plus puis relaxent encore et ainsi de suite. L' énergie de l'excitation monte et se convertit en une détente chaque fois plus profonde. De cette profondeur, une autre forme d’orgasme survient ; on l’appelle “orgasme de la vallée” . Les deux corps vibrent ensemble et se fondent en une pulsation unique. Dans cette vibration, les limites du corps physique ne sont plus perçues ; elles sont transcendées, on entre dans des états de paix et d’extase. Il n’y a pas de perte d’ énergie et l’effet peut durer plusieurs jours ou semaines. »»»


(2) Diana Richardson a introduit depuis la notion répandue aujourd'hui du "slow sex" avec plusieurs ouvrages, en s'inspirant à la fois du tantra et de Barry Long (d). En France sinon, on parlait d’"étreinte réservée" au début et au milieu du XXème siècle, non sans quelques polémiques religieuses. Quant au terme "karezza", Alan Watts se méprend sur son origine : mot d’origine italienne introduit à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis (c'est le titre auto-significatif d'un livre d'une gynécologue).


(3) "Serpent tout-puissant" : choix de traduction, "serpent power" dans le texte original.

(4) "Porte du Soleil" : traduction littérale de "sun door" ; aucun doute qu’il s’agit du 7ème chakra, le chakra couronne, symbolisé par un lotus à 1000 pétales que décrit Alan Watts juste avant.

(5) Une des représentations (libre de droit...) du muladhara chakra :

(6) Traduction presque littérale, je n’ai pas voulu interpréter le sens original qu’Alan Watts souhaitait, et que j’avoue je n’ai pas trop compris moi-même…

(7) J’ai préféré "extase pré-orgasmique" à la traduction littérale en "sensation orgiaque".


(8) Pour wikipedia, "Samadhi" = union, totalité, accomplissement, achèvement, mise en ordre, concentration totale de l’esprit, contemplation, absorption, extase, enstase. Sudheer : ««« Trouver l' unité de l'homme et de la femme à l' intérieur de soi-même. Les noces alchimiques, un état où notre partie masculine et féminine font l'amour ensemble, où nos énergies s’unifient, un état de félicité permanente, "Mahamudra" le grand orgasme. »»»


(9) Alan Watts fait ici, soit un autre raccourci, soit preuve de méconnaissance. Effectivement le point nommé "jen mo" par le Tao, "le point qui vaut un million de pièces d’or", s’il est pressé juste avant l’éjaculation, détourne celle-ci dans la vessie ; on parle de rétro-éjaculation. Ceci dit, les maîtres taoïstes comme Mantak Chia sont clairs (e) : l’homme aussi peut avoir plusieurs orgasmes sans éjaculer, différents car par nature internes, et ce sur plusieurs plateaux de niveau d’énergie croissant. Que ce soit à l’aide de techniques manuelles dont l’utilisation de ce "jen mo", ou à l’aide de techniques de respiration, de ralentissement (voire de visualisation) et d’un blocage, orgasmique, au bon moment.


(10) Traduction littérale de "involuntary" en "involontaire" pour ne pas dénaturer le sens originel, qui mériterait soit dit en passant plus d’explication. Par contre, ajout personnel des "évènements externes indépendants de notre volonté" pour clarifier l'expression "l’involontaire".




REFERENCES :


(a) L’exposé d’Alan Watts : https://www.youtube.com/watch?v=h2_y2hht0TM


(b) Alan Watts - Mural by Levi Ponce, design by Peter Moriarty, conceived by Perry Rod.

File:LuminariesofPantheism.jpg, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=66508289

(c) Livre « Slow sex pour les hommes » de Diana Richardson

(d) Livre « Faire l'amour de manière divine » de Barry Long

(e) Livre « L’homme multi-orgasmique » de Mantak Chia

 
 
 

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