"L'attention sans intention"
- Sandrine
- 18 sept. 2023
- 3 min de lecture
<< Au cours d'un massage. Votre attention se limite aux perceptions et à la sensorialité de l'instant. Le massé attend sans rien attendre et se contente d'exister. Il ne projette rien, ni à l'avance ni pendant. À l'image de son esprit, son corps n'a pas de désir. De son côté, le masseur est dans l'attention pure, sans mettre une quelconque intention dans ses mains, même pas celle de faire du bien. C'est difficile lorsqu'un masseur débute parce qu'il veut bien faire : on a tendance à trop s'appliquer, à vouloir faire du bien. Le détachement bienveillant vient avec l'expérience. >>
Extrait du livre de Michèle Larue "L'art du massage tantrique et cachemirien", un positionnement qui nous parle bien chez Toucher de Soi.
Je poste ici un peu de vécu, à voir si ça fait écho chez vous, ou au contraire ne correspond pas à vos propres pratiques et croyances - et ça m’intéresse aussi.
Déjà, ne pas confondre l’intention mise dans un geste de massage et l’intention du geste proprement dit, c’est à dire le but de tel mouvement suivant tel trajet avec tel toucher etc. Par exemple dans le massage Tao sensuel, il y un mouvement de ”nettoyage de la colonne” : c’est un mouvement de va-et-vient dynamique de part et d’autre de la colonne vertébrale en la descendant jusqu’au sacrum. L’intention du geste en début de massage est limpide : faciliter et dynamiser la circulation de l’énergie le long de la colonne, suivant le trajet d’un canal énergétique primordial en Tao (le Vaisseau Gouverneur). Pour qui a fait un peu de médecine chinoise, c’est aussi suivre le trajet de la première chaîne du méridien de la vessie : avec la plupart des points sollicités ainsi, c’est une (ré)activation de la fonction des organes et viscères du corps.
Ne pas confondre avec l’intention que le masseur peut mettre dans un geste, des consignes que certains donnent parfois, comme « mettez de l’amour dans ce geste » et « pensez à de la chaleur pour chauffer la zone ». Pour moi il y a une évidence : l’intention du geste est bien plus importante que l’intention qu’on peut y mettre - j’aime argumenter cela en disant « je vais te donner une claque bruyante sur la joue, mais je vais le faire avec amour » ;) . En tant que masseur, je n’attache pas d’intention à mon geste de massage - comme le dit Michèle Larue je suis « dans l'attention pure, sans mettre une quelconque intention dans mes mains, même pas celle de faire du bien ». Ce n’est pas que je ne crois pas à la puissance de l’intention, je suis au contraire persuadé que l’énergie se focalise là où je mets ma conscience. Dans un soin comme le Chi Nei Tsang ou le Tao détente, c’est différent : pour une pause transfixiant où les deux mains sont en pontage de chaque côté du buste pour encadrer par exemple le foie, l’apaisement de l’organe est amplifié en y mettant de l’intention. En massage tantrique et notamment en Tao sensuel, ce n’est pour moi juste pas le bon contexte : en tant que masseur tantrique, je n’ai comme seule ambition que celle d’être le support du voyage du massé, “un voyage à la hauteur de ce que vous vous autoriserez à vivre” comme le dit Sandrine. Note finale : ce n’est pas parce que le masseur ne met pas d’intention thérapeutique dans ses gestes que le massage n’en a pas moins de possibles vertus thérapeutiques.
Préoccupons-nous aussi de l’intention de la personne massée, et des intentions qu’elle projette chez la personne qui masse. Je me rappelle d’un exercice en stage, où 2 masseurs massent le dos d’une 3ème personne : ce fut instructif… pour la personne massée ! En effet, elle pensait avoir à sa droite quelqu’un qu’elle projetait comme un père bienveillant et à sa gauche quelqu’un qu’elle projetait avec des intentions sexuelles. Le court massage se termine, elle se retourne et s’aperçoit que les deux masseurs n’étaient pas du côté qu’elle avait imaginé : ça l’interpelle car elle avait vécu le massage en projettant à tort des intentions du mauvais côté, tout en faisant travailler son mental pour ressentir dans les gestes des indices étayant sa double projection erronée. Sans commenter plus, comme l’écrit Michèle Larue, dans l’idéal « le massé attend sans rien attendre et se contente d'exister. Il ne projette rien, ni à l'avance ni pendant. »
Olivier
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